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Fête du printemps, un exotisme familier

criPublished: 2022-02-16 14:29:18
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De nombreux domaines de Bordeaux proposent des sélections de plats spéciaux aux consommateurs chinois pour célébrer le Nouvel An chinois avec eux

« Et pourtant, il semble que la diversité des cultures soit rarement apparue aux hommes pour ce qu’elle est : un phénomène naturel (…) », commentait le célèbre anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss. Malgré des communications et des échanges entre pays accrus au fil des siècles, il semble que nos différences culturelles alimentent toujours un imaginaire exotique.

Je vis à Beijing de façon intermittente depuis 2010 et je « côtoie » le pays ainsi que sa langue depuis mes 13 ans. On me questionne souvent à ce sujet : ai-je déjà passé un Nouvel An lunaire en Chine, dans une famille chinoise ? Est-ce que je trouve que le Nouvel An lunaire ressemble à Noël ? Y a-t-il des pratiques ou bien des éléments qui m’ont marqué pendant le Nouvel An chinois ? Je me suis souvent senti désabusé face à ces questions, car les réponses peuvent parfois être complexes selon nos origines, nos parcours familiaux. Bien que des traditions existent pour Noël ou la fête du Printemps, elles varient selon les régions, l’histoire et les flux migratoires.

La culture chinoise m’a été présentée par mes amis et enseignée par mes professeurs sous une forme figée régie par des codes et normes précis, qui sont souvent perçus comme propres à cette culture, comme pour toute culture d’ailleurs. Cette culture ne semble pouvoir être la nôtre que si l’on y est né. Vu de France, le Nouvel An chinois se déployait dans les rues sous ses traits les plus exotiques, comme dans une fresque orientaliste. Seulement, pour moi qui suis né en Alsace dans une famille d’origine libanaise et qui ai grandi dans un milieu où tous mes amis venaient de différents pays, la différence était une norme. Pour cette raison, je me demandais : « Cette culture que l’on me présente comme différente, unique, voire exotique l’est-elle vraiment ? »

Un voyage à Xiangtan

En 2012, alors que j’étudiais l’architecture à l’Université Tsinghua, une amie me proposa d’aller chez elle à Xiangtan, une ville près de Changsha, dans la province du Hunan, pour le Nouvel An chinois. Je m’empressai d’accepter et j’embarquai dans le train Beijing-Xiangtan pour un voyage de 16 heures (il n’existait pas encore de TGV entre les deux villes). Alors que les paysages défilaient dans le train, j’étais excité de pouvoir découvrir un autre lieu, surtout de voir les dynamiques culturelles et familiales lors de la fête du Printemps.

À l’époque, j’avais 19 ans, et rencontrer la famille de mon amie, même si nous étions très proches, me mettait quand même mal à l’aise. J’appréhendais ce moment, je me sentais timide, car je ne n’étais pas sûr que nos codes sociaux soient les mêmes. À mon arrivée à Xiangtan, mon amie est venue me chercher et nous sommes allés dans la famille de sa mère. Dans un premier temps, j’ai observé les dynamiques au sein de sa famille. Je me souviens encore du froid glacial non seulement dehors, mais aussi à l’intérieur. Nous nous sommes retrouvés chez sa tante, à qui j’ai offert des gourmandises de France. Je me souviens que le soir même, nous faisions des jiaozi(raviolis chinois).

La grand-mère préparait les jiaozi tandis que les parents mangeaient des graines en regardant la télé : cette scène de famille n’avait rien d’étranger ou d’exotique pour moi, au contraire. Je m’amusais aussi à faire des jiaozi, et inutile de préciser que leur forme n’était pas des plus réussies (aujourd’hui encore, ceux que je prépare ressemblent à des chaussettes, mais mes farces sont délicieuses) ! La grand-mère essayait de m’enseigner sa technique, en tenant d’une main la base du jiaozi puis en le refermant par le haut. Cette dichotomie que l’on veut souvent mettre en avant entre nos cultures, je ne la voyais pas.

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