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La gastronomie relie Bordeaux et Xiamen

criPublished: 2022-02-09 15:24:30
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Non loin de la digue ouest du lac Yundang à Xiamen (jolie ville côtière dans le Sud-Est de la Chine) se trouve un restaurant français jouissant d’une bonne réputation au niveau local. Malgré une devanture sombre assez discrète, sur laquelle on peut lire « Greg’s厦门•厦门»(Greg’s Xiamen Xiamen), cet établissement attire de nombreux clients. Présentation exquise, produits frais, cuisine raffinée : les plats ici fleurent bon la qualité française. Le propriétaire du restaurant, M. Gregory Louraichi, véritable chef français, a déclaréà La Chine au présent :« Je suis arrivé en Chine en 2003. Après avoir voyagé dans plusieurs villes, j’ai finalement choisi de poser mes valises à Xiamen, parce que cette ville côtière ressemble à bien ma ville natale de Bordeaux.»

2021 a été une année stable, mais spéciale pour Gregory. Le restaurant a fêté son 10e anniversaire ; et lui, ses 40 ans, soit l’âge mûr selon la tradition chinoise. Aujourd’hui, Gregory a un métier qu’il adore, deux fils métis adorables et une femme chinoise qui le soutient depuis la création de son entreprise, le tout à Xiamen ! Pour lui, Xiamen est vraiment sa deuxième ville natale.

Le Nouvel An chinois sur place

Le restaurant Greg’s Xiamen Xiamen vu de l’intérieur

De par son statut de chef français, Gregory a été amené à travailler dans de nombreux hôtels et restaurants haut de gamme en Chine, par exemple, La Seine à Guangzhou et La Villa à Hong Kong. En 2005, il a introduit à Xiamen les macarons français, fleuron de la gastronomie française. À l’hiver 2011, il a décidé d’ouvrir son propre établissement, et c’est ainsi qu’est né le restaurant français Greg’s Xiamen•Xiamen, désormais très plébiscité.

« C’est ici que j’ai rencontré Viviane et que je suis tombé amoureux. Je me suis totalement fait à la Chine ! » Intarissable lorsqu’il évoque sa relation étroite avec ce pays, Gregory a poursuivi : « Mais la Chine a tellement changé depuis ma première visite. Dix-sept années se sont écoulées, et pendant tout ce temps, je me suis marié, j’ai eu des enfants ici et j’ai pris la tête d’un restaurant français. En tant qu’étranger, j’ai été témoin de l’essor de la Chine aux côtés de Viviane. Je suis particulièrement stupéfait des progrès qui ont été accomplis dans les hautes technologies et Internet. »

La femme de Gregory est une fille chinoise pure souche, qui s’appelle officiellement Long Guanyun (Viviane n’étant que le prénom occidental qu’elle a choisi). Au moment de la fête du Printemps (ou Nouvel An chinois), fête la plus importante de Chine, elle profite de ces vacances rares pour rejoindre sa famille, comme il est de coutume. « Voilà une dizaine d’années que je suis mariée à Greg et cela fait bien sept ou huit ans qu’il passe le Nouvel An chinois en Chine ». Viviane a ajouté : « Il adore l’atmosphère animée qui règne ici à la fête du Printemps. En règle générale, après avoir savouré un copieux repas de famille le soir du réveillon, nous regardons tous ensemble le gala télévisé du Nouvel An. Le lendemain, nous passons voir nos parents et amis pour leur souhaiter nos meilleurs vœux, et Gregory reste particulièrement enjoué. »

D’après sa femme chinoise, Gregory aime aussi voyager dans d’autres endroits en Chine pour profiter des réjouissances de la fête du Printemps. La danse du lion et les étrennes sont, à ses yeux, des éléments de la culture chinoise parmi les plus étranges, mais aussi parmi les plus intéressants.

Alors pourquoi un tel attrait de ce Français pour le Nouvel An chinois ? Il a expliqué : « C’est le même sentiment que les Français éprouvent vis-à-vis de Noël. Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit d’un moment merveilleux pour passer du temps en famille et rendre visite à ses proches. » Gregory et sa femme oublieront difficilement leur Nouvel An chinois 2020. À l’époque, l’épidémie de COVID-19 venait de faire son apparition inopinée. Dans ces circonstances, le gouvernement local avait encouragé tous les citoyens à célébrer le Nouvel An sur place. Gregory et ses commis avaient alors concocté un somptueux dîner de réveillon et ouvert les portes du restaurant, comme d’ordinaire. Selon la tradition chinoise, ils avaient suspendu des lanternes et collé sur la porte des sentences parallèles sur papier rouge, de même que distribué des fameuses étrennes à chaque client pénétrant dans les lieux. Dès lors, tout le monde avait passé ensemble la traditionnelle fête du Printemps un peu spéciale, « à la sauce sino-française ».

En dehors des célébrations spéciales, Gregory excelle tout autant dans la cuisine française haut de gamme et sur mesure. Avec ses mets pleins de raffinement et d’attention, servis dans une ambiance romantique sous une lumière tamisée, son restaurant est apprécié par les Français, mais attire également une foule de jeunes Chinois. Selon Vivianne, bon nombre de jeunes choisissent de venir dans ce restaurant pour leurs rendez-vous galants ; certains sélectionnent même spécifiquement cet endroit pour faire leur demande de mariage. En outre, une multitude d’événements d’échanges internationaux y sont organisés. En 2015, parmi les 1 300 restaurants français authentiques dans le monde sélectionnés par le ministère français des Affaires étrangères, celui de Greg est le seul étant répertorié dans la province du Fujian. En 2018, Greg’s Xiamen Xiamen s’est vu décerné le prix du meilleur restaurant français de Chine par Travel and Hospitality Awards.

Un développement régulier au temps de l’épidémie

Cela va sans dire : le secteur de la restauration a été durement frappé par les répercussions de l’épidémie de COVID-19, et le restaurant français de Greg n’a pas fait exception. « Sur l’année 2021, notre chiffre d’affaires a accusé une forte baisse par rapport aux années précédentes, bien plus rentables. » Mais Gregory n’a aucun regret : « Quand je vois à quel point la restauration a souffert de l’épidémie dans d’autres pays, je me dis que nous, expatriés, avons eu la chance et le bonheur d’être en Chine. Xiamen a immédiatement mis en place des mesures locales de prévention et de contrôle, qui se sont avérées très efficaces. Puis le gouvernement local et le quartier Guanren ont beaucoup soutenu les entrepreneurs étrangers implantés à Xiamen pendant l’épidémie de COVID-19. Ils nous ont aidés à résoudre les problèmes d’ordre pratique occasionnés par le contexte sanitaire pour surmonter ensemble les difficultés. »

Le quartier Guanren dont Gregory fait mention est l’un des quartiers de Xiamen qui concentrent le plus d’expatriés. Gregory a confié : « Les Chinois ont toujours été très amicaux et très accueillants avec nous, les étrangers. Malgré les nombreux désagréments causés par l’épidémie de COVID-19 ces deux dernières années, notre vie ici demeure assez stable. Néanmoins, je perçois vivement les efforts qu’investit le gouvernement chinois pour freiner l’épidémie et les réalisations sont remarquables. »

Malgré les nombreux défis que l’épidémie de COVID-19 a posés pour la gestion du restaurant, Gregory n’a cessé de se lancer dans de nouvelles initiatives. Il a signé une panoplie de plats innovants, en essayant de combiner ce que la Chine et la France, deux grands pays de gastronomie, ont de mieux à offrir. Par exemple, lorsqu’il prépare du poulet sauté aux piments, il agrémente son plat d’une crêpe bretonne avec des frites de pommes de terre finement coupées. En juin 2021, la championne olympique de gymnastique, Liu Xuan est venue dîner dans son restaurant avec sa famille, ce qui a amené Gregory à s’intéresser au menu proposé aux athlètes lors des Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022. « Ces JO d’hiver rassembleront des sportifs de haut niveau issus des quatre coins du globe. En sa qualité de pays hôte, la Chine veut à tout prix être aux petits soins des athlètes de chaque pays, et cela passe par l’alimentation. Il faut garantir la sécurité alimentaire, tout en répondant aux besoins nutritifs et autres exigences de ces compétiteurs du monde entier. » Avant de préciser : « Bien sûr, je voudrais à juste titre m’inspirer de ce menu, parce que les repas servis lors des JO d’hiver doivent être diversifiés. Nous tentons également au restaurant de lancer, sur le thème des JO d’hiver de Beijing, une série de plats qui marieront les saveurs du monde. »

La nourriture construit des ponts

Bien que Gregory ait appris à cuisiner français dès sa plus tendre enfance, ce cordon bleu adore aussi la cuisine chinoise. Canard laqué, nouilles à la sauce de soja, pain farci cuit à la vapeur, raviolis, riz aux saveurs de Yangzhou, poulet sauté aux piments, aiguillettes de porc sauce piquante... Gregory est un moulin à paroles lorsqu’on le lance sur la cuisine chinoise qu’il aime tant : « En dépit des différences culturelles qui existent entre la cuisine chinoise et la cuisine française, l’une avec ses baguettes, et l’autre avec ses couteaux et fourchettes, le poids accordé à la gastronomie est similaire. La Chine dénombre une grande variété de spécialités locales aux saveurs uniques. Chaque région affiche son goût unique. En ce qui me concerne, j’ai un faible pour les plats cantonais. »

La cuisine française est en lien direct avec les exigences et la vision esthétique que les Français ont à l’égard de la vie, prêtant une attention toute particulière aux saveurs authentiques, à la préparation des sauces et à la présentation soignée des plats. Cela implique de travailler l’esthétique des mets en faisant preuve de créativité, afin de ravir tous les sens des clients. De l’avis de Gregory, de plus en plus de clients chinois aujourd’hui, notamment les jeunes, recherchent une telle expérience à la fois visuelle et gustative. C’est pourquoi il s’est mis aussi à aider de nombreux restaurants chinois à élaborer des plats empreints d’originalité, à dessein de répondre aux besoins de la clientèle qui ne cessent de se diversifier. « J’espère pouvoir montrer ainsi que l’on peut cuisiner chinois avec une touche française, japonaise ou italienne. Les Chinois connaissent les saveurs, mais il faut leur montrer visuellement quelque chose de différent. »

Gregory et son restaurant français ont été témoins de nombreux moments importants qui ont marqué les échanges sino-français. En mai 2014, à l’occasion du 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, Xiamen et Nice ont signé un pacte de jumelage. Cette nuit-là, les maires de ces deux villes jumelles ainsi que leur équipe ont organisé un dîner de gala à Greg’s Xiamen Xiamen. En mai 2016, Gregory a été désigné « ambassadeur de Xiamen pour le tourisme ».

Gregory est désormais une tête étrangère bien connue à Xiamen. En ce début d’année, nous l’avons interrogé sur son vœu le plus cher pour 2022. Ce à quoi il a répondu sans une once d’hésitation : « Notre planète souffre de l’épidémie depuis trop longtemps… J’espère que la situation s’améliorera rapidement et que nous retrouverons tous une vie normale. » D’ailleurs, son objectif dans la vie, « c’est de toucher tout le monde au travers de [ses] plats ; de faire “cool”, pas de faire “classe”. »

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